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Transcription :
« Le lundy penultyme jour de may audict an, furent espouzez
en l'eglise St Maclou à l'heure de midy et le banquet faict
à la maison du cointe, rue Damyette.
Le IIe jour d'apvril audict an, j'ay loué une maison à la rue Ste Croix,
apartenant à la veff vefve et enfans dudict deffunct Guillaume Acart
par le prix de quatre vingt livres tournoiz par chacun an ».
Écrit du fort privé – Le Cornu
Référence : BM de Rouen, Y 128, Livre de raison des familles Le Cornu et Acart (1580-1676)
Technique : cahier de format 200×310 mm, 20 feuillets de papiers écrits à l’encre
Auteur : comporte plusieurs auteurs d’une même famille. Le premier à entreprendre la rédaction de ce manuscrit est Antoine Le Cornu (1553-1631). Cet ouvrage ne s’adresse qu’à un public restreint puisqu’il n’avait pas vocation à être publié. C’est donc un livre à usage familial.
Nature du document : il s’agit à l’évidence d’un écrit du fort privé. Plus qu’un livre de raison, il convient de le considérer comme un « mémorial » ou une chronique familiale dans le sens où plusieurs générations de Le Cornu y ont participé. Le livre de raison est un terme générique donné par les « érudits-éditeurs » du XIXe siècle à des ouvrages privés qui ne portent pas de titre. Les auteurs du temps évoquent surtout des « papiers », notamment lorsqu’ils se réfèrent à leurs ancêtres.
Objet : évoque les évènements familiaux d’une famille de cartiers à partir de la fin du XVIe siècle. Les deux articles présentés ici concernent un mariage et la location d’une maison à un particulier.
Topographie : comme l’indique l’évocation de la rue Damiette et des différentes paroisses (Saint-Maclou et Sainte-Croix-Saint-Oüen), cette famille réside à Rouen. S’ajoute la paroisse Saint-Vincent, lieu d’inhumation de l’auteur et d’une partie de ses ancêtres. Les paroisses de Saint-Maclou (où se trouve la rue Damiette) et, dans une moindre mesure, celle de Sainte-Croix, sont des paroisses assez peuplées, regroupant majoritairement des artisans. Celle de Saint-Vincent – moins peuplée – regroupe aussi de nombreux marchands.
Datation : ce document concerne les mois de mai et d’avril 1580. Ce texte s’inscrit donc dans le contexte des Guerres de Religion en France. Ce conflit majeur bouleverse le royaume de France à partir du milieu du XVIe siècle et s’étend jusqu’à la paix de 1598 avec la mise en place de l’Édit de Nantes. L’année 1580 ouvre une période d’apaisement temporaire des tensions religieuses entre protestants et catholiques.
Comment ? les évènements évoqués par Antoine Le Cornu sont rédigés à la troisième personne du singulier, avec un style aride et impersonnel. Les naissances, mariages, décès et autres éléments relatés sont consignés de manière décousue et froide.
Intérêt historique : il est rare de trouver des cartiers – c’est-à-dire des fabricants de cartes – sachant écrire. Par ailleurs, Antoine Le Cornu a quelques rudiments de latins comme en témoigne la mention « In nominy dominye » qui indique le commencement de l’ouvrage. Les évènements relatés, tels que la Ligue, les voyages, les alliances sont d’un intérêt historique essentiel.
L’évocation des mariages est centrale dans la vie familiale à l’époque moderne. Âgé de 27 ans, lors de son mariage, celui-ci peut être qualifié de « tardif ». En effet, le recours au mariage tardif au XVIe siècle constitue l’un des moyens de régulation des naissances. L’évocation d’une location de maison renvoie à l’aisance financière des Le Cornu. Celle-ci s’explique en partie par une ascendance noble. La mère de l’auteur, Catherine Collette, est en effet l’arrière-petite-fille d’un conseiller de ville à Rouen, anobli en 1463.
Pour aller plus loin :
AD S-M, J 365, Registre portatif de contrôle des marques de cartiers de Rouen
Henri-René D’Allemagne, Les Cartes à jouer du XIVe au XXe siècle, Hachette, Paris, 1906
Henri Labrosse, Le Livre de raison de la famille Lecourt de Rouen : XVIe au XVIIe siècle, Lainé, Rouen, 1938
Thierry Depaulis, « Le mémorial des Le Cornu, cartiers à Rouen (manuscrit Y 128 de la Bibliothèque municipale de Rouen) », Le Vieux Papier pour l’étude de la vie et des mœurs d’autrefois, Bulletin de la Société Archéologique, Historique et Artistique, J.-P. Seguin, « des merveilles avec des riens », fascicule 334, Paris, 1994
Stéphane Minvielle, La famille en France à l’époque moderne (XVI-XVIIIe siècle), coll. U, Armand Colin, 2010
